INTERVIEW
Dr PHILIP KEROS
Médecin homéopathe - phytothérapeute
« LE CRU AMELIORE LE FONCTIONNEMENT DE L’ORGANISME »
Le cuit domine notre alimentation, mais n’oublions pas que le cru a de précieux atouts.
ALTERNATIVE SANTE
L’Impatient : Quels sont les effets négatifs de la cuisson ?
Dr Philip Keros : Elle dénature et fait disparaître les enzymes. Or ces substances jouent un rôle important dans les processus physiologiques (flore intestinale, par exemple) de tous les organismes vivants et sont naturellement présentes dans les végétaux. La cuisson appauvrit aussi les aliments en vitamine C et B – en particulier la B9 ou acide folique, essentielle à l’élaboration des cellules sanguines et au système nerveux. Les vitamines A, E, D, F, qui sont solubles dans les graisses et les huiles, résistent mieux à la chaleur, en particulier en milieu huileux.
La cuisson à l’eau appauvrit en oligoéléments et en sels minéraux. On lui préférera la vapeur douce, qui, ne dépassant 100 degrés, les préserve mieux. A partir de 180 degrés ( à la poêle par exemple), les acides gras insaturés (huiles végétales de première pression à froid, oléagineux…), peuvent devenir toxiques. En ce qui concerne les protéines, la cuisson à partir de 100-120 ° C entraîne des modifications de la structure des protéines : ce sont les fameuses « molécules de Maillard (1) ». Ces protéines modifiées perturbent les métabolismes, encrassent l’organisme, surchargent le foie, et possèdent un portentiel cancérigène. Enfin, en ce qui concerne les pesticides et les nitrates, on ignore leurs modifications durant la cuisson.
Quel intérêt a-t-on à cuire les aliments ?
Dr Philip Keros : La cuisson serait apparue au paléolithique, il y a environ 40 000 ans. Elle permet de modifier les qualités organoleptiques (le goût), la couleur et la consistance, et d’adoucir les aliments difficiles à manger crus, tels les légumineuses non germées, les tubercules, les viandes fermes d’animaux sauvages…
Elle apporte également de la chaleur au corps, surtout lorsqu’il fait froid. Enfin, elle élimine des parasites tels que les amibes et des microbes parfois dangereux : salmonelles, shigelles, listeria, toxoplasmes.
Nombre de personnes ne consomment pas d’aliments crus parce qu’elles ne les digèrent pas. Quelle stratégie mettre en place ?
Dr Philip Keros : Quand on recommence à manger du cru ou en consommer davantage, on peut subir certains désagréments : gaz, ballonnements, inconfort digestif, selles molles, colites… Cela signifie que son état général n’est pas bon, en particulier que la flore intestinale ne fonctionne pas comme elle le devrait. Il est alors nécessaire de rééduquer l’organisme. On donnera le temps nécessaire à la flore intestinale pour s’adapter. Il ne faut pas se décourager trop vite, cela peut parfois prendre plusieurs mois ! Les aliments lactofermentés (choucroute, carottes, betterave, etc. permettent une transition entre le cuit et le cru, et comme pour le soja fermenté – tempeh – la lactofermentation détruit certaines substances indésirables.
Tout dépent comment on aborde le cru. Si c’est à travers une maladie, un cancer, la dimension psychologique importe. Un choc psychologique entraîne une souffrance cérébrale qui a des conséquences sur le côlon. Ce dernier, normalement sous le contrôle du système neuro-végétatif, peut prendre son autonomie. La personne sera alors sujette à des colites. A ce moment-là, le thérapeute cherchera à réguler le système neuro-végétatif, à travers la relaxation, par exemple. Les gens qui ne consomment que cru semblent ne rencontrer aucun désagrément.
Ceux et celles qui se sentent fragiles, éviteront de prendre des risques
Que faire quand on est allergique au cru ?
Dr Philip Keros : L’allergie se définit comme une perte de tolérance de l’organisme. C’est un dévoiement du système immunitaire, qui se met à réagir de façon exacerbée et inappropriée. Ce sont souvent des allergies aux œufs, au lait de vache, aux poissons crus, au kiwi, à la banane, à l’avocat, etc. Dans un premier temps, on évitera de consommer l’aliment, puis on essayera, par un régime, de type méthode Kousmine, qui va rééquilibrer les défenses immunitaires, de le réintroduire.
La qualité du cru importe…
Dr Philip Keros : Les aliments doivent être les plus frais possible, ne pas avoir séjourné quinze jours au réfrigérateur. Ainsi ils sont plus riches en vitamines, oligoéléments et sels minéraux et, pour les viandes en particulier, présentent moins de risque de renfermer des germes pathogènes. La maturité des végétaux est essentielle. La doctoresse Kousmine a toujours insisté sur leur qualité. Les travaux récents du Pr Joyeux, exposés lors des derniers Entretiens de Millançay (2), montrent que les aliments biologiques contiennet de trois à dix fois plus d’oligoéléments et de vitamines.
Quelles précautions faut-il prendre avec les aliments crus ?
Dr Philip Keros : Les laver n’est pas toujours suffisant, car des parasites peuvent se trouver dans des anfractuosités du fruit ou du légume, surtout en provenance de pays étrangers. On trouve parfois des amibes sur les tomates du Maroc. En cas de doute et pour éviter tout risque d’infection, il est toujours possible de passer l’aliment une minute à la vapeur ou simplement d’enlever la partie douteuse. En ce qui concerne les cacahuètes, elles peuvent être colonisées par une moisissure qui sécrète une toxine : l’aflatoxine, impliquée dans le cancer du foie. Prudence encore avec le pissenlit, le cresson et la mâche parfois infestés de douves (un parasite du foie). Mais ces salades sont normalement contrôlées et le risque est actuellement quasi nul. En ce qui concerne les graines germées, on prendra des précautions. Ainsi, quand la luzerne est blanche, on ne doit pas la consommer, il faut attendre que ses feuilles soient vertes. Pour les salmonelles (dans les œufs) et la listeria (dans les fromages), les produits industriels sont souvent plus contaminés que les autres. Il est surtout important de souligner que les hôtes agressifs le deviennent surtout sur des terrains affaiblis.
Et en ce qui concerne les amateurs de viande crue ?
Dr Philip Keros : Attention au ténia – ou ver solitaire – du mouton ou du bœuf crus et à la trichine, petit ver filiforme, qui infeste l’intestin des porcs et des chevaux, en particulier ceux de Pologne. La recherche de ces parasites fait partie du contrôle vétérinaire. Il faut signaler cependant que le risque existe également si ces viandes sont mal cuites. Ces pathologies sont beaucoup plus fréquentes dans les pays tropicaux qu’en Europe. Le fait de faire mariner le poisson dans le citron ou de le mettre au congélateur pendant deux heures permettent la destruction des vers qui s’y trouvent ; ce processus est aussi une bonne alternative au cru. D’une façon générale, on peut dire que ceux et celles dont le système immunatire fonctionne bien se défendront bien. Quant à ceux et celles qui se sentent fragiles, ils éviteront de prendre des risques. Enfin, les précautions minimum seront d’usage : sélection rigoureuse – de préférence aliments biologiques -, réfrigération des aliments ou mieux stockage dans un endroit frais (à cause d’éventuels micro-organismes présents dans le réfrigérateur) pour mieux conserver les microéléments (vitamines, etc), lavage méthodique des mains et des aliments et consommation rapide après préparation. Avec ces mesures, la transition vers davantage de cru devrait bien se dérouler.
Que peut-on attendre du cru ?
Dr Philip Keros : Une augmentation des défenses immunitaires grâce à une meilleure préservation des enzymes, des vitamines, des oligoéléments et des sels minéraux, qui participent à l’ensemble des réactions biochimiques du corps et qui permettent un meilleur fonctionnement de l’organisme. Donc un fonctionnemnet optimal des cellules et davantage de vitalité. Cette alimentation apporte moins de substances perturbatrices capables de fatiguer l’organisme par auto-intoxication et de modifier les défenses immunitaires provoquant des pathologies qui vont de la simple baisse de forme, à une plus grande sensibilité aux infections jusqu’aux maladies dégénératives, telles que cancers, maladies auto-immunes… L’effet bénéfique anticancéreux des fruits et légumes, surtout quand ils sont crus, est aujourd’hui admis par la majorité des auteurs et fait partie de la première des recommandations du Programme national nutrition-santé du ministère de la Santé !
(1) Réactions entre les sucres et les protéines qui donnent une coloration à l’aliment, par exemple la couleur jaune ou brune de la croûte de pain
(2) Entretiens de Millançay
Interview de Dr. Philip Keros
Médecin homéopathe - phytothérapeute
15 bis Bd Gouvion Saint Cyr
75017 PARIS
tel : 01 45 74 07 42
Propos recueillis par Karin Aujay
ALTERNATIVE SANTE – L’IMPATIENT
AVRIL 2002 N°288 page 20 et page 21
Pendant de très longues périodes les hommes avaient une alimentation semblable à celle des animaux sauvages
Les enzymes et les mucines digestives, les enzymes cellulaires étaient adaptées aux diverses substances ingérées. L’alimentation moderne est riche en macromolécules pour lesquelles enzymes et mucines ne sont souvent pas adaptées, en particulier certains isomères générés par la cuisson. Il est erroné de croire que l’organisme humain est capable d’assimiler sans danger n’importe quelle variété de nourriture.